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AMIANTE - Fragments de clivage, la boîte de Pandore ? - 06/03/2016

Amiante. Le rapport de l’Anses publié avant les fêtes, consacré à la toxicité des fragments de clivage, utilisés notamment de manière fortuite pour produire des granulats, laisse entrevoir un élargissement du champ de repérage.

Faudra-t-il étendre le repérage à de nouveaux minerais, au-delà des six types d’amiante aujourd’hui réglementés ? La perspective n’est peut-être pas si incongrue, si l’on en croit le dernier rapport de l’Anses publié mi-décembre, sur la toxicité des fragments de clivage (lire définition ci-contre). Ce copieux rapport (plus de 200 pages) semble ouvrir des perspectives quasi infinies en matière de repérage et de traitement de l’amiante.

A force de chercher, on a fini par trouver de l’amiante où on ne s’y attendait pas. Depuis vingt ans, le repérage s’intéresse essentiellement aux produits manufacturés. Là, où il existe une traçabilité, là où on sait que l’amiante, le chrysotile en particulier, a volontairement été introduit pour ses vertus aussi multiples que variées.

Suivant cette logique, on en est venu à repérer l’amiante dans les enrobés routiers où le minerai avait été introduit de 1970 à la moitié des années 1990, notamment pour prévenir les nids de poules. Non seulement, on a bien trouvé du chrysotile, mais les laboratoires ont aussi identifié des fragments de clivage, en provenance des carrières exploitées durant des décennies pour produire des granulats. Pour le coup, leur présence n’avait rien de volontaire. Comment traiter ces fragments de clivage ? Toxiques ? Non toxiques ? Et comment les distinguer à coup sûr de leurs homologues asbestiformes ? La double-question s’est posée dès 2013-2014, avec l’explosion des carottages routiers dans le sillage de la circulaire du 15 mai 2013 réclamant une cartographie du réseau national non concédé.

Face aux surcoûts engendrés et aux blocages de chantiers routiers, l’Anses a toutefois été saisie en août 2014 à la fois par la DGT (Direction générale du travail), la DGPR (Direction générale de la prévention des risques) et la DGS (Direction générale de la santé).

Annoncé d’abord pour septembre, le rapport de l’Anses sur la toxicité des fragments de clivage est finalement tombé en décembre 2015.

Doute persistant

Après avoir étudié la littérature mondiale consacrée au sujet, l’Anses indique que « les études épidémiologiques ne permettent pas d’exclure un risque pour la santé lié à l’exposition aux fragments de clivage issus des variétés non asbestiformes des cinq amphiboles réglementaires », indique le rapport. Autrement dit, rien ne dit que les fragments de clivage sont dangereux, rien ne dit non plus qu’ils ne présentent aucun risque.

Dans le détail, si des études scientifiques ont montré que les fragments de clivage non allongés étaient moins toxiques -voire non toxiques-, rien n’a encore été écrit sur les risques d’exposition aux fragments de clivage allongés. « Il n’a pas été possible d’identifier des données d’exposition spécifiques aux fragments de clivage, en raison notamment de co-expositions avec des fibres d’amiante, et des difficultés analytiques pour les distinguer formellement des fibres d’amiante. »

Et pour compliquer davantage, « les méthodes d’analyse utilisées en routine ne permettent pas de différencier formellement les fragments de clivage des fibres asbestiformes. »

Après avoir passé en revue les moyens analytiques existants (MOLP, META, MEBA), l’Anses conclut à l’absence, à l’heure actuelle, d’une méthode d’analyse de routine permettant de distinguer formellement les fragments de clivage de leurs homologues asbestiformes. Qu’il s’agisse d’analyse dans les matériaux ou dans les échantillons d’air.

Principe de précaution

Impossible de les distinguer avec les analyses classiques, impossible de trancher sur leur toxicité, l’Anses fait prévaloir le principe de précaution, préconisant de revoir la réglementation. Autrement dit, les fragments de clivage issus des cinq amphiboles non asbestiformes (actinolite, anthophyllite, trémolite, grunérite, et riébeckite) ne doivent pas être distingués de leurs homologues asbestiformes quand ils répondent aux critères dimensionnels internationaux (L > 5µm ; D < 3 µm et L/D >3). Les critères dimensionnels sont d’autant plus importants, que le rapport de l’Anses conclut à une dangerosité croissante en fonction du rapport d’allongement. On parle désormais de PMA (Particules minérales allongées). L’Anses va cependant plus loin que la question qui lui était initialement posée. Au regard d’études épidémiologiques menées sur le continent américain, elle alerte aussi sur un éventuel risque à des expositions à d’autres amphiboles aujourd’hui exclus de la réglementation bornée à six minéraux. « Compte tenu des effets sanitaires similaires à ceux de l’amiante mis en évidence pour la winchite, la richtérite, la fluoro-édénite et l’érionite, l’Anses recommande également que la réglementation en vigueur soit étendue à ces quatre espèces minérales. » Ces quatre espèces minérales sont d’ailleurs classées cancérigènes depuis la fin 2014.

“ Compte tenu des effets sanitaires similaires à ceux de l’amiante mis en évidence pour la winchite, la richtérite, la fluoro-édénite et l’érionite, l’Anses recommande que la réglementation soit étendue à ces quatre espèces minérales. ”

Dans les bétons

Mine de rien, ces recommandations élargissent (considérablement ?) le champ des repérages actuels. « D’autres domaines, comme le secteur du bâtiment et des travaux publics en environnement naturel ou mettant en œuvre des matériaux manufacturés à partir de matériaux naturels, peuvent également être concernés par cette problématique. Avant de démarrer ce type de travaux, il apparaît nécessaire que soient réalisées des cartographies des sites pour repérer la présence de particules. »

Tout ce qui est produit à partir de granulats extraits des carrières est donc susceptible de renfermer des fragments de clivage. Ce qui englobe toutes les voiries (et pas seulement celles à fort trafic), les ballasts, ou les bétons. Dans son rapport, l’Anses évoque ainsi la consommation annuelle de granulats par secteur d’activité : les travaux routiers et ferroviaires, voies et réseaux divers pèsent pour 57%, le béton pour 33% et la production d’enrobé pour 9%. Autrement dit, même les chantiers de construction neuve seraient aujourd’hui concernés ! Parmi les secteurs éventuellement ciblés, l’Anses cite ainsi « le secteur de la construction de bâtiments résidentiels ou non résidentiels ou d’ouvrages de génie civil, les travaux d’installation électrique, plomberie, etc. » En somme, dès qu’il est nécessaire d’intervenir sur un produit réalisé à partir de granulats.

Traduction réglementaire

Bien entendu, il ne suffit pas d’émettre une recommandation pour qu’elle soit aussitôt traduite réglementairement. En matière d’amiante comme ailleurs, on trouve nombre de recommandations demeurées lettres mortes. On peut penser que les pouvoirs publics ne pourront faire l’impasse sur ce rapport d’autant qu’ils en sont les commanditaires ; après tout, le rapport sur la campagne META de l’Afsset (devenue depuis l’Anses) publié en 2009 avait débouché sur la réglementation du 4 mai 2012. Appliqué à la lettre, cela reviendrait à élargir le champ d’investigation du diagnostiqueur, puisque les fragments de clivage, fortuits par nature, peuvent fort bien se trouver dans des produits/matériaux exclus des repérages actuels.

Mais traduire réglementairement les recommandations de l’Anses, reviendrait aussitôt à alourdir de nouveau les coûts de repérages et de traitement de l’amiante. Dans un contexte, où justement, le PRDA (Plan de recherche et de développement amiante) s’évertue à les abaisser et cherche à promouvoir des solutions technologiques innovantes.

Fragments de clivage, de quoi parle-t-on ?

La réglementation actuelle distingue six variétés d’amiante, une serpentine (le chrysotile), et cinq amphiboles (actinolite-amiante, anthophyllite-amiante, trémolite-amiante, amosite et crocidolite). Mais dans l’environnement naturel, les cinq amphiboles peuvent tantôt se présenter sous une forme asbestiforme, tantôt sous une forme non asbestiforme (on les appelle alors respectivement, actinolite, anthophyllite, trémolite, grunérite et riébeckite). Asbestiforme, dangereux, non asbestiforme non dangereux, pour faire simple. Sauf qu’une action mécanique fracturant des roches non asbestiformes peut libérer des fragments de clivage dont les caractéristiques dimensionnelles se rapprochent des fibres d’amiante.


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